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Tunisie-Open sigma 2023 : le sondage qui fait polémique

 En Tunisie, la fiabilité des sondages d’opinions et la mesure de l’audience, est souvent mise en doute, ce qui pose la question de savoir si ces études peuvent réellement refléter l’opinion publique.

Le sondage présenté lors de l’Open Sigma du 4 février 2023 a soulevé des questions sur l’exactitude de ses résultats. Cet événement a suscité de nombreuses réactions et controverses.
D’un côté, les sondages effectués par Sigma Conseil, bureau d’étude privé en Tunisie, peuvent fournir des informations précieuses sur les opinions et attitudes des Tunisiens. Cependant, certains experts en médias et en politique remettent en question la fiabilité de ces sondages et de leur méthodologie. La présidente du PDL, Abir Moussi, est particulièrement insatisfaite des résultats des intentions de vote et a tenu un sit-in le 4 février 2023 devant l’hôtel qui a abrité l’Open Sigma2023, pour dénoncer les manipulations opérées par Hassan Zargouni. Elle l’accuse d’être soutenu par des pouvoirs financières internationales et de servir les intérêts de certaines parties en manipulant les résultats des sondages d’opinion et en influençant le vote des Tunisiens.

Les sondages politiques, outil précieux pour les intentions de vote
 
Les opinions des électeurs peuvent faire pencher la balance en faveur de certains candidats ou partis politiques. Les sondages d’opinion sont des outils précieux pour mesurer ces opinions, car ils fournissent une vue d’ensemble sur les tendances et les préférences des électeurs.
En effet, les sondages sont réalisés auprès de différents segments de la population pour obtenir une représentation équitable des opinions et des intentions de vote. Les données recueillies sont analysées pour déterminer les tendances, les préférences politiques et les forces en jeu dans la course électorale. Les sondages sont également utiles pour les candidats et les partis politiques en leur permettant de mieux comprendre leurs bases électorales et d’adapter leur stratégie en conséquence.
L’effet du sondage Open Sigma 2023, qui a classé le rappeur Karim Gharbi (connu sous le nom de K2Rhym) comme le troisième candidat potentiel à la présidence, a inspiré un autre rappeur à se présenter au prochain scrutin. Ce rappeur, Iteb Zaibet alias Swagg Man, a annoncé sur page facebook sa candidature à la prochaine élection présidentielle. « C’est officiel, je me présente aux élections présidentielles de 2023 »!
En répondant à la question : « Si l’élection présidentielle avait lieu demain, pour qui voteraient les Tunisiens ? », les résultats selon Sigma Conseil, seraient les suivants : Kaïs Saïd obtiendrait 40.1% des voix, Safi Saïd 8.4%, K2rim 4.8%, Abir Moussi 3.8% et Moncef Marzouki 3.5%, suivi de  Fadhel Abdelkefi 2.8%, Néji Jalloul 2.2% du corps électoral.
Cependant, il est important de noter que les sondages ne sont qu’une approximation des intentions de vote réelles. Les électeurs peuvent changer d’avis à tout moment !
Malgré ces limites, les sondages politiques en Tunisie, restent un outil précieux pour les intentions de vote, offrant une image générale des préférences et des tendances politiques.
C’est pourquoi, pour obtenir des informations fiables sur les opinions politiques et la confiance envers les médias en Tunisie, il est important de disposer d’une structure de réglementation indépendante qui évite toute influence politique. Des entreprises telles que Barr Al Aman, Mediascan Institute, Sigma Conseil et d’autres agences privées qui opèrent dans ce secteur, mais seul un système réglementé et indépendant peut assurer la validité des données.

L’importance de la mesure de l’audience pour les médias en Tunisie
 
Nous appelons mesure d’audience ou sondage d’audience le système qui fournit régulièrement des données statistiques permettant de quantifier les auditoires touchés par les différents médias. Par système, on entend l’agencement à la fois institutionnel, méthodologique et technique qui assure la livraison de données, conformément aux besoins de ceux qui le financent et l’utilisent.
Le point commun entre la mesure d’audience des différents médias est de se fonder sur le principe du sondage, c’est-à-dire sur le recours à la technique d’échantillonnage. Puisqu’on ne peut appréhender concrètement la population totale touchée par un média, on construit un échantillon le plus représentatif possible de cette population.
 
En Tunisie, le manque des données quantitatives sur les entreprises de presse présente un obstacle de taille pour l’étude des médias. En effet, les seules données sur les revenus publicitaires sont fournies par les instituts des sondages et bureaux d’études privés, citons par exemple « Emrhod Consulting », « sigma conseil », « 3C Etudes »… L’estimation des audiences des médias audiovisuels et en ligne ou du lectorat de la presse écrite se base essentiellement sur des échantillonnages qui ne permettent pas de connaître avec certitude l’importance de chaque média par rapport aux autres et par conséquent, leur niveau de concentration ou encore leur impact réel sur l’opinion publique.
 
Nécessité de création d’une structure indépendante de mesure de l’audience des médias
 
En Tunisie, il n’y a pas de réglementation sur la mesure de l’audience des médias. D’après les experts, cela peut conduire à des utilisations abusives visant à servir des intérêts économiques ou politiques. Les estimations d’audience pour les médias audiovisuels et la presse écrite sont basées sur des échantillons qui ne permettent pas une évaluation précise de leur impact sur l’opinion publique. Contrairement aux statistiques sur les réseaux sociaux qui sont automatisées et fournissent des informations détaillées sur la navigation tels que le nombre d’abonnés, le profil des visiteurs et le pays d’origine et qui peuvent être exportées sous forme de rapport.
Le professeur Sadok Hammami, de l’Institut de presse et des sciences de l’information (Manouba), estime que la mesure d’audience est fondamentale pour l’économie des médias. Il considère que cette activité est stratégique et cruciale pour les médias car elle détermine leur activité économique et leur valeur sur le marché.
La problématique essentielle est de savoir si les sondages et les études publiés sont réellement crédibles et neutres. Les annonceurs de leur part, exigent une étude des caractéristiques sociodémographiques de l’audience afin de rentabiliser leurs apports financiers et de mieux définir les cibles de leurs annonces.
La mise en place d’une structure sous forme de coopérative regroupant les médias et les annonceurs serait la solution pour une meilleure mesure d’audience neutre et indépendante.
 
Cette question a été discutée en marge du séminaire TAIEX sur les techniques et réglementations européennes régissant le secteur de mesure d’audience et de publicité des médias audiovisuels, en janvier 2018. En février 2021, la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA) a annoncé le lancement de la procédure pour la création d’une structure professionnelle indépendante régissant la mesure d’audience dans les médias audiovisuels ; mais depuis il n’y a pas eu de réalisations concrètes !
 
Souhir Lahiani