La Tunisie, ce pays qui s’est longtemps distingué par les réformes législatives en faveur des droits de la femme.
L’indépendance du pays s’est linkée avec la promulgation du Code du Statut Personnel (CSP) qui représente en quelque sorte le gage des acquis de la femme tunisienne.
Il serait plus réaliste de dire que rien n’est acquis en matière de droits et de libertés particulièrement dans une société patriarcale où les courants islamistes trouvent un terrain fertile.
Ceci n’est pas un jugement au contraire une constatation qu’on peut déduire dans un intervalle de temps tout récent.
Depuis le bouleversement de divers pays de la région MENA en 2011, deux réalités se sont confrontées.
A titre d’exemple la Tunisie qui est perçue comme la Succes Story du printemps arabe en matière de construction d’un Etat de Droit garant des droits et protecteur des libertés mais qui a connu divers tentatives de remise en question des droits de la femme durant la rédaction de la Constitution.
Des voix isolées se sont mêmes levées proposant de faire passer le code du statut personnel au référendum particulièrement pour la question de l’interdiction de la polygamie et divers autres droits garantis par le dit code.
La femme tunisienne a gagné sans doute une bataille lors de la rédaction de la Constitution de 2014 où l’État s’engage à protéger les droits acquis de la femme et veille à les consolider et les promouvoir en prennent les mesures nécessaires en vue d’éliminer la violence contre la femme mais, elle n’a surement pas gagné la guerre.
L’une des questions les plus sensibles sur le plan social est l’égalité de l’héritage homme-femme qui est imprégnée par la Chariaa musulmane.
L’égalité en héritage divise même la famille démocrate où certains qui se proclament les hérités de l’école bourguibienne disent clairement que c’est la ligne rouge à ne pas franchir et qu’il n’existe aucune interprétation du texte coranique qui puisse aboutir à l’idée de l’égalité homme femme en héritage.Il devient urgent de stopper cette hémorragie d’amalgame.
Il est nécessaire de rappeler que la Tunisie est un Etat civil et la Constitution de la 2eme république est civile.
C’est-à-dire qu’il ne s’agit en aucun cas de changer une règle religieuse mais d’appliquer un principe constitutionnel.
Ce qui a empêché les avancées en matière de libertés c’est le manque de volonté politique. Ce n’est que le 13 aout 2017 que le président de la république Béji Caied Essebsi vient donner ce push politique à la cause des femmes tunisiennes.
Malgré que sa proposition qui prône l’égalité de l’héritage entre hommes et femmes a nourrit une grosse polémique.
Rappelons que BCE ne s’est pas laissé impressionner par la critique et a tenu à mainte reprise de rappeler qu’" Il ne faut pas croire que ceci va à l’encontre de la religion.
Notre constitution est celle d’un état civil " "Cette égalité n’est pas une affaire religieuse mais qui concerne les hommes".
Ce n’est que le 15 juin 2018 que la Commission des libertés individuelles et de l'égalité (Colibe) , créée par le président de la République avait rendu son rapport comportant des propositions de lois visant à faire correspondre l'arsenal juridique tunisien aux exigences d'égalité et de libertés individuelles.
Bien évidemment, le rapport de la Colibe n’a rien inventé, ce ne sont que des propositions conformes à la Constitution de 2014.
Ce rapport de 235 pages ne traite pas seulement de la question de l’égalité homme-femme dans l’héritage mais aussi entre enfant légitime et naturel. Mais, ainsi que l’égalité dans l’attribution de la nationalité et le choix du nom de famille (possibilité de choisir celui de la mère), outre l’annulation de la peine de mort et l’abolition de la criminalisation des pratiques homosexuelles, constituent les principales recommandations inscrites dans le rapport de la Colibe.
Ce qui complique les choses encore plus, c’est lorsque une importante partie de l’électoral laïque et moderne voit dans ce rapport l’ouverture de la boîte de Pandore surtout lorsque les imams de la Zaytouna dits modérés s’en mêlent la situation se gâte. D’ailleurs, plusieurs villes, Sfax, Gabes, ont vécu le vendredi de la colère où on a eu droit à des slogans qui reflètent sans doute une meute déchainée qui n’a même pas lu une ligne du rapport mais suit le mouvement sans prendre la peine de cogiter.
Il faut voir dans ce rapport plus qu’une réforme mais toute une révolution législative et sociale. Si les propositions seront retenues par les législateurs, diverses ambiguïtés et des contradictions du texte constitutionnel seraient levée. Ce qui enracinera le caractère civil de l’État.
Les manifestations contre les réformes proposées par le rapport du colibe à mon humble avis ne sont qu’un signe positif d’un pays démocratique où chaque individu donne librement son avis et proteste ou soutien librement une pensée ou une idéologique mais il est fondamental que ces mouvements demeurent sous l’ordre de l’Etat bien évidemment dans le cadre du respect de la loi. Il est inévitable de rester vigilant aux discours de haine et d’appel à la violence contre les rédacteurs de ce rapport et autres personnalités qui soutiennent cette révolution juridique.
C’est aujourd’hui ou jamais que la Tunisie doit avancer mais toujours en gardent un œil sur l’histoire des grands réformateurs et penseurs de la Tunisie, je site particulièrement Tahar Haddad sur l’émancipation des femmes qui a déclenchée la colère des ultras conservateurs.
GhaydaaThabet : Juriste et experte en relations internationales sciences politiques