Je ne saurais dans cette brève introduction passer en revue toutes les étapes du parcours riche en actions de Abdelatif Ben Ammar, parcours qui sera longuement exposé par ailleurs dans de nombreuses interventions. Je me contenterai donc ici, de dire que Abdelatif était un créateur doué de qualités intellectuelles qui font qu’il est ouvert à toutes les branches de la culture et un militant culturel habité par l’amour de cette terre et par sa quête inlassable du meilleur et du merveilleux .
Après le succès sans précédent de son premier long métrage ''Une si simple histoire '' première œuvre tunisienne à être sélectionnée pour participer à la compétition officielle du Festival international de Cannes en 1970,Abdelatif Ben Ammar n’eut de cesse à chercher à développer davantage son potentiel créatif en côtoyant de grands réalisateurs tels que Franco Zeffirelli ou Roberto Rossellini aspirant à réaliser son rêve de contribuer à l’émergence d’un cinéma national, qui exprime réellement les préoccupations et les tourments de notre société et ressuscite notre mémoire collective .C’est ainsi que son langage cinématographique va mûrir progressivement avec la réalisation successive de '' Sejnane'', de « Aziza » qui remporta le Tanit d’or aux Journées Cinématographiques de Carthage, puis '' Le Chant de la Noria » et enfin ''Les Palmiers Blessés »que Abdelatif ne voulait certainement pas qu’il soit sa dernière création .
Dans ce film il a atteint un tel degré de maturité créative qu’il put y aborder trois thèmes brulants dans un style fluide, distingué et de haute facture: la bataille de l’évacuation ,la guerre d’Algérie contre le terrorisme et la guerre du Golfe en Irak ,à travers son immersion avec doigté et audace au plus profond de l’expérience existentielle d’une jeune fille qui peine dans sa quête d’informations sur son père mort en martyr avant de la voir naître. C’est ainsi qu’Abdelatif va creuser courageusement au plus profond de notre mémoire collective et déterrer des fragments de tragédies de notre passé proche et de notre douloureux présent.
Mais c’est par un terrible jeu tragique du destin que le jour où nous avons fait nos derniers adieux à Abdelatif coïncide avec la commémoration des événements dramatiques de l’agression contre Sakiet Sidi Youssef, cette tragédie épique que Abdelatif s’apprêtait à sublimer avec une grande création en coproduction tuniso-algérienne. Il m’avait parlé maintes fois de ce grand projet qui avait ressuscité en lui la fougue de sa jeunesse et qu’il voulait être le couronnement de sa belle histoire d’amour avec la mémoire.
Abdelatif ne s’est pas contenté de réaliser de longs métrages de fiction, mais il a aussi excellé dans la réalisation de documentaires. Il maniait le langage cinématographiques et les images qu’il véhicule en joailler, triant des pierres précieuses afin de les sertir.
Par ailleurs Abdelatif s’est également adonné à la production et a du faire face aux difficultés de ce domaine avec «Latif Productions » et « Ben Duran ».
Il a été l’un des premiers cinéastes à réaliser que l’essor de la production de l’image dans notre pays passe inexorablement par la coopération fructueuse et la complémentarité entre le secteur du cinéma et celui de la télévision; c’est ainsi qu’il a eu de précieuses contributions et a laissé son empreinte dans la production dramatique télévisée et même dans l’habillage télévisuel.
En plus de son effort créatif en tant que réalisateur et producteur, Abdelatif a participé efficacement aux comités de réflexion sur le développement du secteur audiovisuel et a coopéré avec les pouvoirs publics chaque fois qu’il a eu l’occasion de faire un travail dans lequel il a vu des avantages pour ce pays, sans jamais renier dans ses contributions, ses principes en tant que créateur indépendant engagé aux côtés des travailleurs et des bâtisseurs sincères et patriotes .