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France : Le gouvernement étrillé sur son action dans la lutte contre les violences faites aux femmes

 Ce mardi a marqué le lancement en France d’une vaste campagne de sensibilisation contre le harcèlement de rue, à l’initiative du ministère de l’Intérieur.

Annoncée par le ministre Gérald Darmanin, cette « grande opération pour la sécurité des femmes » repose sur la distribution de 5 millions de flyers par les policiers et les gendarmes dans les rues du pays.
Selon le ministre, ces supports permettront de « rappeler à chacune et chacun les gestes à avoir lorsqu'on est témoin ou victime d'une agression », avec notamment un QR Code qui enverra les citoyens vers un site gouvernemental dédié à la sécurité.
Mais dans les faits, la mesure est très critiquée, voire raillée, et jugée insuffisante, comme la plupart des actions publiques initiées pour endiguer les violences faites aux femmes. 
- Les associations vent debout contre la faiblesse du dispositif
 
Alors que l’Exécutif s’attendait sans doute à être félicité pour cette initiative, les associations féministes sont nombreuses à critiquer le dispositif, tant sur le fond que sur la forme.
 
Sur les réseaux sociaux, le collectif « Nous Toutes » a qualifié de « honte » cette distribution de flyers dans les rues et estimé que la Place Beauvau utilisait « les méthodes des associations sans budget ».
 
« Proposition : puisque vous adoptez les méthodes des associations sans budget, on échange et on prend votre place au ministère de l'Intérieur ? C'est une honte. Gérald Darmanin vous devriez commencer par distribuer des flyers à vos policiers », a réagi l’association féministe.
Interrogée par BFMTV pour réagir au dispositif, la porte-parole de l’association « Osez le féminisme », Violaine de Filippis, a critiqué une mesure gadget largement insuffisante » et qui « ne répond pas aux attentes des associations et n’améliorera pas la prise en charge des victimes ».
Elle note elle aussi que « ces tracts vont être distribués par des officiers de police qui, eux-mêmes, ne sont souvent pas formés aux violences conjugales ». 
Sur le terrain, le ressenti des victimes de violences conjugales et/ou sexistes rejoint sensiblement celui du secteur militant puisque la politique même du gouvernement est très largement décriée.
Hanna, 34 ans et mère de deux garçons, a déjà fait les frais d’une procédure qu’elle juge « insuffisante, inadaptée et même dangereuse ».
En 2018, alors qu’elle décide de se séparer de son conjoint qui la menace de mort, et la frappe devant ses enfants, elle porte plainte, espérant obtenir une protection.
Sur le papier, la procédure est simple, et la justice statue en urgence mais estime dans sa décision que « les violences ne sont pas suffisamment caractérisées » pour ordonner l’éloignement de son compagnon violent.
La jeune femme explique avoir été « abattue » par le délibéré et pointe « une double-peine » qui lui est infligée pour n’avoir pas gardé les preuves des violences dont elle est victime depuis des années
En 2023, elle vit toujours « dans la peur qu’un jour », celui qui a été son bourreau pendant des années, « ne décide de revenir lui faire vivre l’enfer ».
« C’est comme s’il était tout-puissant et que peu importe ce qu’il a fait ou pourrait faire, sans preuves, je reste une affabulatrice », grince la mère de famille, aujourd’hui cheffe d’entreprise.
Et l’histoire d’Hanna n’est pas isolée, puisque les violences conjugales concernent plus de 200 000 femmes par an, d’après les chiffres publiés sur le site gouvernemental de lutte contre les violences faites aux femmes.
Ainsi, selon les chiffres d’une étude publiée par l’INSEE en 2019, « 7 femmes victimes sur 10 déclarent avoir subi des faits répétés » et « 8 femmes victimes sur 10 déclarent avoir également été soumises à des atteintes psychologiques ou des agressions verbales ».
Le gouvernement rappelle, par ailleurs, qu’en moyenne « le nombre de femmes âgées de 18 à 75 ans qui au cours d’une année sont victimes de viols et/ou de tentatives de viol est estimé à 94 000 femmes » et que « dans 91% des cas, ces agressions ont été perpétrées par une personne connue de la victime ».
- Le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes
La dernière enquête sur le sexisme réalisée par l'institut « Viavoice » pour le Haut Conseil à l'égalité (HCE) entre les femmes et les hommes en janvier dernier fait la Une de nombreux titres de presse.
En cause, les chiffres, toujours très hauts, qui illustrent les difficultés à faire baisser les violences sexistes, et le sexisme d’un point de vue plus général.
Si le président français Emmanuel Macron a fait de l’égalité femmes-hommes la grande cause de son quinquennat, les résultats des campagnes de communication et autres dispositifs mis en place ne sont pas à la hauteur des enjeux.
« Le sexisme ne recule pas en France. Au contraire, il perdure et ses manifestations les plus violentes s’aggravent et les plus jeunes générations sont les plus touchées », pointait le HCE dans son rapport rendu public le 23 janvier dernier.
Quelques chiffres sont d’ailleurs éloquents en matière d’inégalité : seuls 20% des sondés estiment « que les femmes et les hommes sont égaux en pratique dans le monde professionnel » tandis que 93% jugent « que les femmes et les hommes ne sont pas traités de la même manière dans au moins une des sphères de la société ».
Mais au-delà des clichés, stéréotypes et inégalités de traitement, un fléau particulièrement inquiétant, perdure : celui du viol et des rapports sexuels sous la contrainte.
Le HCE dévoile que 37% des Françaises ont déjà été soumises à des relations sexuelles contraintes et 14% ont vécu des rapports sexuels imposés.