Culture et art

Théâtre National Tunisien : Hommage aux Metteuses en Scène Tunisiennes

 À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le Théâtre National Tunisien organise une table ronde intitulée "La scène au féminin", un hommage aux metteuses en scène tunisiennes. 

L’événement se tiendra le vendredi 7 mars 2025 à 21h30 à la bibliothèque Bechir Ben Slama, salle Le 4ème Art à Tunis. Cette rencontre réunira trois figures du théâtre tunisien : Leïla Toubel, Wafa Taboubi et Lobna Malika, sous la modération de la critique théâtrale Fawzia Belhaj Mezzi.
Selon Fawzia Belhaj Mezzi, qui a rédigé le document scientifique accompagnant la table ronde « La scène au féminin », l’histoire des femmes dans le théâtre tunisien est marquée par une lente mais profonde transformation. L'intégration des femmes dans le théâtre tunisien a été semée d’embûches. À ses débuts, au début du XXe siècle, le théâtre était perçu avec suspicion par la société. Les femmes qui osaient y participer étaient souvent marginalisées et cantonnées à des rôles subalternes, reflétant ainsi la place restreinte qu’elles occupaient dans l’espace public.
L’évolution de leur présence sur scène est étroitement liée aux mutations sociales et politiques du pays. La critique rappelle que le penseur Taher Haddad, à travers son ouvrage « Notre femme dans la législation musulmane et la société », a joué un rôle essentiel dans la remise en question des normes patriarcales. Ces idées réformistes ont abouti à l’adoption du Code du statut personnel en 1956, qui a donné aux femmes des droits nouveaux, notamment en matière d’éducation et de travail. Pourtant, comme le souligne Belhaj Mezzi, si ces réformes ont permis l’émancipation progressive des femmes dans plusieurs secteurs, le domaine artistique, et en particulier le théâtre, est resté dominé par les hommes.
Dans son analyse, Fawzia Belhaj Mezzi distingue trois grandes générations de femmes dans le théâtre tunisien :
Les années 50 et 60 : Une période marquée par l’apparition des premières actrices professionnelles, telles que Mouna Noureddine, Narjis Attia et Samia Mzali. Ces femmes ont posé les bases d’une présence féminine sur scène et ont contribué à légitimer le métier d’actrice.
Les années 70 et 80 : Une génération de femmes commence à s’impliquer dans la dramaturgie et la création collective, à l’instar de Jalila Bakar, Najia Ouerghi et Raja Ben Ammar. Cependant, leur passage à la mise en scène reste encore timide.
Depuis les années 90 : L’émergence des metteuses en scène devient plus visible, bien que toujours limitée. Des figures comme Nadia Ben Ahmed s’imposent dans l’écriture théâtrale, tandis que d’autres artistes explorent des formes expérimentales combinant théâtre et danse contemporaine, à l’image de Nawal Skandrani, Imen Smaoui et Sihem Belkhouja.
Malgré ces avancées, Belhaj Mezzi souligne que les metteuses en scène tunisiennes continuent de faire face à de nombreux défis. Le manque de financement, les difficultés de production et de diffusion, ainsi que les préjugés persistants freinent leur essor. La critique observe que le regard porté sur le théâtre féminin oscille entre fascination et méfiance, en particulier lorsque les œuvres abordent des thématiques sensibles liées à la condition des femmes ou aux structures patriarcales.
L’organisation de la table ronde « La scène au féminin » est, selon elle, un événement majeur. Il témoigne d’une prise de conscience collective de l’importance de la présence féminine dans la mise en scène et invite à une réflexion sur l’avenir du théâtre en Tunisie.
La critique conclut en posant une question essentielle : les nouvelles générations de metteuses en scène réussiront-elles à s’affranchir des contraintes existantes pour imposer un langage théâtral qui leur est propre ? Si les défis restent nombreux, une chose est sûre : le théâtre tunisien ne peut plus ignorer la voix des femmes qui, par leur talent et leur persévérance, façonnent un art en constante évolution.