Conservateur de musée, collectionneur de photographies, peintre, Adama Sylla, né en 1934, est d’abord un infatigable photographe qui a, durant quarante ans, documenté et archivé la vie de son pays et plus abondamment celle de l’ancienne capitale du Sénégal, Saint-Louis.
La carrière de Sylla débute au musée de la Mer de Gorée où ses études d’architecture l’amènent à devenir assistant du conservateur du musée en 1956. Un an plus tard, de retour à Saint-Louis, il commence l’apprentissage de la photographie à la Maison des Jeunes où il ne tarde pas à devenir le directeur de la reproduction photographique.
C’est cependant l’année de ses trente ans, en 1964 qui sera décisive pour son approche documentaire de la photographie. Sous l’influence du directeur du Centre de recherche et de documentation du Sénégal à Saint-Louis (CRDS, ancien IFAN) d’alors, il bénéficie d’une bourse de l’Unesco pour voyager en France et apprendre aux côtés de Jean Rouch au Musée de l’Homme à Paris. L’enseignement portera sur le « cinéma-vérité » cher à l’anthropologue.
A son retour d’Europe, la perspective de devoir archiver et documenter son présent va s’intensifier, car Sylla a conscience du tournant qui s’opère autour de lui aux heures des indépendances (Sénégal, 1960). Convaincu que « la documentation, c’est la mémoire d’un pays, car le quotidien d’aujourd’hui, c’est l’histoire de demain », il va s’acharner à capter ces moments comme une fête improvisée, des instants à la plage, un mariage... Il ne se contente pas de pratiquer son art en studio mais circule avec ses appareils photographiques dans des espaces divers, ce qui élargit son champ d’action : le plein air de jour ou de nuit, l’espace intime, la ville, le fleuve, la mer, la brousse.
La société consomme la photographie, elle paie pour se faire immortaliser comme elle l’entend. Il nous faut rappeler ici, que le portrait et la photographie en studio sont des genres définissant à l’époque le propre des photographes africains. Au mitan du XXe siècle, la photographie s’est imposée comme le meilleur outil pour écrire une nouvelle histoire du point de vue intérieur.
Très vite, la démocratisation du support photographique est pratiquement une histoire du passé et l’installation de studios sur le continent amplifie cette dynamique. L’œuvre de Sylla s’inscrit dans ce « mécanisme de témoignage » visuel d’une évolution sociétale. En dépassant la technique, il se focalise sur l’acte de capter une collection d’instants. Il offre ainsi une réponse qui n’engage que le spectateur.
Pendant des décennies, il acquiert et constitue une collection d’images majoritairement réalisées au Rolleiflex, qui, toutes ensemble, cristallisent l’énergie de cette société en profonde mutation. Adama Sylla donne aux personnes qui s’y intéressent, l’occasion de compléter une connaissance parcellaire de la photographie en Afrique. Car oui, le doyen est l’une de ces personnalités importantes de l’histoire de la photographie africaine. Il apporte à l’édifice, la compréhension du continent et met en lumière les sophistications de la culture sénégalaise.
L’œuvre d’Adama Sylla est l’achèvement d’un processus qu’il aura mis quarante ans à accomplir. Il est le conservateur d’une histoire et d’archives qui restent à analyser aux prochaines générations.